Deux surprises aujourd’hui, alors que Rolls-Royce dévoile le premier modèle dans son histoire qui serait susceptible de quitter le goudron pour aller poser ses roues dans la pierraille, les chemins creux, ou même (angoisse !) l’absence totale de chemin.
Mais avant ça, une remarque : il fut un temps où l’existence d’un tel modèle aurait été accompagné de l’absolue certitude qu’aucun de ses propriétaires ne le lancerait jamais à l’assaut du moindre bout d’itinéraire qui ne serait pas recouvert de goudron, à la rigueur, de pavés, et à l’extrême de gravier. Aujourd’hui, on sait bien que certains acheteurs mesureront ses aptitudes de franchissement dans des dunes, des forêts, des torrents. Et on ne sait pas trop, finalement s’il faut se réjouir de voir que certains refusent de s’agenouiller devant des objets techniques, y compris quand ils coûtent très cher, ou s’il faut s’inquiéter de constater que décidément, quand la richesse augmente, on peut en venir à ne plus rien respecter. Car, au-delà d’une voiture apte à déplacer des gens, et sans doute pas n’importe lesquels, une Rolls-Royce est, sans doute plus qu’une autre, une voiture qui est le fruit du travail d’ouvriers. On sait que chaque aspect de l’automobile qu’on peut regarder et, si on a un peu de chance dans la vie, et de réussite (ou les deux), toucher ou même conduire, a fait l’objet d’une manipulation par des mains humaines, expertes dans leur domaine. Et ruiner le fruit de ce travail, c’est aussi retirer tout son sens aux efforts faits par ces travailleurs. Mais bref, ainsi va le monde.
Deux surprises, donc, disais-je :
La première : j’avais cru comprendre, ces dernières semaines, que ceux qui, dans ce monde, sont « quelqu’un », ceux qui ont réussi, étaient opposés à toute forme de statut. Qu’en tout cas, dans le conflit qui les oppose aux fameux cheminots (que, pour notre part, on respecte, ne serait-ce que parce qu’ils ont quelque chose à voir avec ces machines capables d’embarquer des centaines de personne d’un coup, dans un mouvement souple, chaloupé, constant, confortable et rapide, un peu désuet, certes, mais charmant en raison même de cette désuétude), il semblait acquis qu’on casserait les acquis, parce que, comme on aime à le répéter quand on ne court personnellement aucun véritable risque, la vie, c’est la précarité. Alors, alors, j’aimerais soulever une question, et même un problème : si vraiment ce certain milieu est à ce point opposé à la notion même de statut, pourquoi est-il à ce point attiré par tout ce qui est statutaire ?
Je nous laisse méditer la question, nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir prochainement.
Deuxième surprise : la (le ?) Rolls-Royce Cullinan, révélé aujourd’hui, parvient miraculeusement à avoir le visage d’une vraie voiture. Et elle a un vrai visage. Un regard, une présence, et même un discours, se posant comme une Rolls, mais aussi comme un tout-terrain éminemment britannique. On lit le Range Rover à travers ses lignes. C’est un hommage, c’est aussi un défi et un dépassement. Et c’est assez réussi.
On partage aujourd’hui la vidéo de présentation. On reviendra ensuite en détail sur cette mécanique, cette machine, qui est bien plus que ça aussi.